Ce 14 octobre 2025, Nairobi ne se contente plus d’être une ville d’accueil diplomatique. Elle devient le théâtre d’un conclave politique aux allures de contre-gouvernement, convoqué par Joseph Kabila, ancien président congolais récemment condamné à mort pour trahison, apologie du terrorisme et participation à un mouvement insurrectionnel. Derrière les murs feutrés de cette réunion, c’est une tentative de recomposition politique hors du cadre républicain qui s’opère — une recomposition fondée non sur la légitimité populaire, mais sur la fuite, la condamnation et la nostalgie d’un ordre déchu.
La liste des participants ne laisse aucun doute : José Makila, Raymond Tshibanda, Néhémie Mwilanya, Félix Kabange Numbi, Patient Sayiba, Joseph Mukumadi, Jean-Claude Mvuemba, Franck Diongo… tous anciens piliers du FCC, tous en rupture avec les institutions nationales, tous frappés par des sanctions judiciaires ou politiques. Le retour de Matata Ponyo, condamné à dix ans de prison mais jamais incarcéré, parachève le tableau d’une opposition qui se recompose dans l’ombre, loin du peuple, loin de la justice, loin du Congo.
Ce conclave n’est pas une plateforme de débat démocratique. C’est un regroupement tactique de figures disqualifiées, qui cherchent à restaurer leur influence par des voies parallèles, en contournant les mécanismes de reddition des comptes.
L’opposition congolaise ne manque pas de visages, mais elle manque cruellement de colonne vertébrale. Hier encore, Delly Sesanga refusait de nommer l’agresseur du pays, illustrant une posture ambiguë qui affaiblit toute prétention à la clarté stratégique. Ce refus, dans un contexte de guerre hybride et de déstabilisation territoriale, n’est pas une prudence diplomatique : c’est une abdication politique.
Face à cette fragmentation, le président Félix Tshisekedi se retrouve sans véritable contrepoids. L’opposition ne propose ni vision cohérente, ni front uni, ni discours de souveraineté. Elle se divise entre conclaves d’exilés, silences tactiques et calculs personnels. Elle n’incarne ni l’alternative, ni la vigilance républicaine. Elle laisse le pouvoir seul dans l’arène, sans interpellation sérieuse, sans débat structurant, sans pression institutionnelle.
Ce vide est dangereux. Il ne renforce pas le pouvoir, il affaiblit la démocratie. Car une République sans opposition crédible est une République sans respiration.
Ce conclave ne se tient pas à Kinshasa, Lubumbashi ou Goma, mais à Nairobi. Ce choix n’est pas anodin. La capitale kényane devient progressivement un carrefour diplomatique où se croisent les ambitions régionales, les agendas rebelles et les stratégies d’exil. Elle offre aux figures congolaises en rupture un espace de négociation, de médiatisation et de repositionnement, loin des contraintes judiciaires et institutionnelles du pays.
Mais Nairobi n’est pas neutre. Elle devient le lieu où se redessinent les équilibres politiques congolais sans mandat populaire, sans cadre légal, sans transparence. Elle héberge des conclaves qui échappent à tout contrôle républicain, et qui risquent de légitimer des recompositions fondées sur l’impunité, la revanche et la fragmentation nationale.
Le président Félix Tshisekedi refuse tout dialogue avec des « émissaires des agresseurs » et exige la désignation explicite de l’agresseur avant toute médiation. Une posture ferme, mais qui révèle aussi l’impasse stratégique du pouvoir. Pourtant, en face, l’opposition ne propose rien. Elle se replie sur des conclaves d’exil, des alliances floues, des retours médiatiques sans substance.
Ce conclave n’est pas une relance démocratique. C’est le symptôme d’un effondrement politique où l’exil devient stratégie, où la condamnation devient capital politique, où la justice nationale est contournée par des plateformes étrangères. Nairobi n’est plus un simple lieu d’accueil : elle devient une scène diplomatique parallèle, un espace de recomposition illégitime, un miroir de la crise morale qui gangrène une partie de la classe politique congolaise.
Le peuple congolais n’a pas besoin d’un conclave d’exilés. Il a besoin d’une opposition forte, ancrée, responsable, capable de parler sécurité, justice, économie, souveraineté. Tant que Nairobi servira de refuge aux condamnés, la reconstruction institutionnelle restera compromise. Ce conclave n’est pas un espoir : c’est une alerte.
MMN


