Le conclave de Nairobi des 14 et 15 octobre 2025, présidé par Joseph Kabila, n’a pas simplement lancé un nouveau mouvement politique. Il a réactivé une architecture de pouvoir, une logique de contrôle, et une mémoire institutionnelle façonnée par dix-huit ans de gouvernance opaque. Le mouvement Sauvons la RDC, adossé à un plan en 12 points, se présente comme une réponse à la « dictature » de Tshisekedi. Mais derrière cette rhétorique de salut national, se cache une tentative de restauration silencieuse, méthodique, et potentiellement déstabilisante pour l’État congolais.
Le choix de Nairobi comme lieu de lancement n’est pas neutre. Il permet à Kabila, condamné à mort par contumace pour trahison et crimes de guerre, de contourner les pressions judiciaires et de réactiver ses réseaux. Le mouvement Sauvons la RDC regroupe des figures politiques controversées – Franck Diongo, Matata Ponyo, Théophile Mbemba – et adopte les 12 priorités proposées par Kabila lors de son adresse du 23 mai 2025. Ces priorités, censées répondre à la crise multiforme du pays, évitent soigneusement toute introspection sur les responsabilités du régime kabiliste dans la dégradation des institutions, la militarisation du pouvoir et l’instrumentalisation de la justice.
Le discours du mouvement évoque la « restauration de la démocratie », la « fin de la tyrannie », et la « réconciliation nationale ». Mais ces mots, portés par un homme dont le régime fut marqué par la répression, les révisions constitutionnelles opportunistes et les élections verrouillées, relèvent d’une manipulation mémorielle. Le plan en 12 points n’est pas une refondation : c’est une opération de blanchiment. Une tentative de réinstaller un système clanique sous couvert de salut national.
La présence de Kabila à Goma, confirmée en mai 2025 dans une zone contrôlée par le M23, et son silence sur les exactions du groupe rebelle, nourrissent une hypothèse lourde : celle d’un retour téléguidé par Kigali. Le gouvernement congolais a explicitement lié Kabila aux activités du M23, évoquant une complicité dans la déstabilisation de l’Est. Ce positionnement géographique et diplomatique soulève une question centrale : Kabila est-il la carte joker du Rwanda pour 2028 ? Si tel est le cas, son retour ne serait pas seulement une affaire nationale, mais une manœuvre régionale visant à reconfigurer les rapports de force dans les Grands Lacs.
Le scénario qui se dessine rappelle tragiquement celui de Brazzaville en 1997 : une rivalité politique mal gérée, une opposition instrumentalisée, et une démocratie sacrifiée sur l’autel des ambitions personnelles. Si Kabila parvient à imposer sa candidature ou à manipuler les équilibres institutionnels, la RDC risque de basculer dans une démocratie de façade, où les urnes ne seraient que des accessoires d’un théâtre déjà écrit. Le risque est réel : celui d’un effondrement institutionnel orchestré par les failles du système et les ambitions d’un homme qui n’a jamais quitté le pouvoir, mais qui revient pour le verrouiller définitivement.
Il ne s’agit pas de rejeter Kabila par réflexe. Il s’agit de questionner son projet, ses alliances, ses silences. De refuser la manipulation historique. De rappeler que la République ne se sauve pas par ceux qui l’ont affaiblie. Que la démocratie ne se défend pas par ceux qui l’ont contournée. Et que le peuple congolais mérite mieux qu’un retour en arrière maquillé en sursaut patriotique.
Le retour de Joseph Kabila n’est pas une candidature. C’est une stratégie. Ce n’est pas une opposition. C’est une reconquête. Et ce n’est pas un projet démocratique. C’est une restauration silencieuse, méthodique, et potentiellement fatale pour la République. Face à cette dynamique, la société congolaise doit opposer la mémoire à l’amnésie, la vigilance à la résignation, et l’exigence de justice à la logique du recyclage politique.
Car si l’on ne nomme pas les dangers, ils reviennent toujours déguisés en solutions.
Merveille Maleya


