Dans une interview exclusive accordée au journal La Transparence, Alphonse Kisolokele, président du Conseil d’administration de la REGIDESO, dévoile une vision audacieuse pour refonder cette société de service publique d’eau. Entre lucidité stratégique et volonté de rupture, il trace les contours d’une Régideso plus forte, plus moderne, et résolument tournée vers l’impact.
Gouverner autrement : humilité, responsabilité, cohésion
« Les tensions naissent quand on marche sur les plates-bandes des autres », affirme-t-il. Pour Kisolokele, la Régideso souffre d’un manque de moyens. Il prône une gouvernance fondée sur le professionnalisme et l’humilité, loin des logiques de pouvoir. Une philosophie qu’il incarne dans sa gestion quotidienne, en misant sur la responsabilisation des équipes et la clarification des rôles.
L’eau, un service vital en pleine recomposition
Contrairement aux idées reçues, la RÉGIDESO ne coupe pas l’eau lorsqu’il pleut. Ce sont les pompes qui doivent être arrêtées temporairement pour des raisons de sécurité technique. Lors des inondations à Tshangu, l’entreprise a réagi en déployant des camions-citernes pour desservir les quartiers sinistrés. Une démonstration de réactivité qui tranche avec l’image d’une régie passive. L’eau devient ici un indicateur de résilience urbaine, et la REGIDESO entend jouer pleinement son rôle dans la gestion des crises.
Une société de service publique sous tension économique
La loi sur l’eau a ouvert le secteur à la concurrence, mais sa mauvaise application cause des nombreux préjudices à cette entreprise notamment :
– Les gros consommateurs migrent vers des forages privés ;
– L’État, principal client (33 à 35 % de la production), paie difficilement ;
– Sur 3 millions de ménages, seuls 750 000 sont abonnés.
Ce déséquilibre structurel met en péril la viabilité financière de la société. Kisolokele ne se contente pas de le constater : il en fait le point de départ d’une refondation. Car une entreprise de service publique ne peut survivre sans modèle économique solide, ni sans équité dans la répartition des charges.
Refondation industrielle : vers une souveraineté hydraulique
Face à ces défis, Kisolokele propose une stratégie de transformation :
– Retour aux valeurs fondatrices du service public ;
– Positionnement comme référence nationale en eau potable ;
– Création d’une industrie locale de production d’eau (produits chimiques, compteurs, tuyaux) ;
– Construction et location d’infrastructures pour générer des revenus ;
– Généralisation des compteurs pour sécuriser les recettes et réduire les pertes.
Ce projet ne vise pas seulement à moderniser la REGIDESO : il ambitionne de rétablir une souveraineté hydraulique congolaise, en réduisant la dépendance aux importations et en valorisant les capacités locales.
Kinshasa, laboratoire de la reconquête
Deux projets phares illustrent cette ambition :
– L’installation du 3ᵉ module à Ozone, capable de produire 330 000m3/jours supplémentaires ;
– Le renouvellement des conduites avec des tuyaux de plus grand diamètre pour fluidifier la distribution.
Ces chantiers ne sont pas de simples travaux : ils incarnent une volonté de rupture avec l’improvisation, et marquent le retour d’une planification stratégique dans la gestion de l’eau. Kinshasa devient ainsi le terrain d’expérimentation d’une régideso réinventée.
Une Régideso connectée, enfin proche de ses abonnés
Paiement en ligne, application mobile pour vérifier la desserte par quartier… La REGIDESO s’ouvre à l’ère numérique. Une modernisation qui vise à restaurer la confiance et à fluidifier la relation client. L’eau devient traçable, et l’usager redevient acteur. Cette digitalisation n’est pas cosmétique : elle traduit une volonté de transparence et d’efficacité dans la gestion du service public.
L’eau commence à la source : appel à la conscience citoyenne
« Arrêtons d’ouvrir les fosses septiques lorsqu’il pleut. Cela pollue nos sources, augmente les coûts de traitement et altère le goût de l’eau », alerte Kisolokele. Il appelle à un sursaut collectif : la qualité de l’eau dépend aussi des comportements citoyens.
Ce rappel n’est pas anecdotique. Il replace chaque Congolais face à sa responsabilité dans la préservation d’un bien commun. L’eau n’est pas qu’un service : c’est une culture, un devoir, une mémoire. Et sa protection commence dans les gestes du quotidien.
En définitive, Alphonse Kisolokele ne propose pas une simple modernisation de la REGIDESO : il engage une reconquête. Celle d’un service public stratégique, longtemps fragilisé, mais désormais appelé à redevenir moteur de souveraineté, de cohésion sociale et de transformation industrielle. Sa vision ne se limite pas à l’eau comme ressource — elle embrasse l’eau comme levier de dignité, de gouvernance et de citoyenneté. Dans un pays où chaque goutte peut devenir enjeu de survie ou de développement, il trace une voie claire : celle d’une régie qui ne subit plus, mais qui construit. Et dans cette construction, il ne promet pas — il agit.
La Transparence


