0 
0 Dans les marchés de Lingwala ou de Matete, sa silhouette verte hérissée attire l’œil. Le corossol ( cœur de bœuf), fruit tropical à la chair blanche et parfumée, est bien plus qu’un simple dessert naturel : il incarne une tension entre tradition médicinale, potentiel agro-industriel et oubli institutionnel.
Originaire des zones tropicales d’Amérique, le corossol (Annona muricata) s’est enraciné dans les terroirs d’Afrique centrale, notamment en RDC, au Cameroun et au Gabon. Riche en vitamine C, en fibres et en antioxydants, il est consommé en jus, en infusion ou cru. Mais c’est surtout dans les pharmacopées traditionnelles qu’il révèle sa puissance : sédatif naturel, antiparasitaire, antidiabétique, et même anticancéreux selon certaines études encore controversées.
> « Chez nous, on utilise les feuilles pour calmer les nerfs et les douleurs. C’est un remède de nos grands-mères »confie une vendeuse à Bandalungwa.
Des recherches menées en Asie et en Amérique latine ont mis en lumière les effets des acétogénines, composés présents dans le corossol, sur certaines cellules tumorales. Mais les institutions de santé publique restent prudentes : aucune autorité médicale n’a validé son usage comme traitement anticancer.
Malgré sa richesse nutritionnelle et sa résilience climatique, le corossol reste marginal dans les politiques agricoles. Peu transformé, peu exporté, il souffre d’un manque de structuration des filières. Sa valorisation pourrait pourtant générer des emplois, renforcer l’autonomie alimentaire et stimuler l’agro-industrie locale.
La transmission des savoirs autour du corossol est menacée par l’urbanisation et la standardisation alimentaire. Dans les zones rurales, les usages médicinaux sont encore vivants, mais peu documentés. Par ailleurs, la déforestation met en péril les zones de culture sauvage du fruit, notamment dans le Bas-Congo et l’Équateur.
Le corossol n’est pas qu’un fruit : c’est un révélateur. Révélateur d’un potentiel ignoré, d’une médecine populaire en quête de reconnaissance, et d’un continent qui cherche à conjuguer tradition et modernité. Sa valorisation ne dépend pas seulement de ses vertus, mais de notre capacité à repenser les priorités agricoles, sanitaires et culturelles.
Merveille Maleya
