Vital Kamerhe démissionne pour éviter l’humiliation : La fuite d’un président contesté

Vital Kamerhe démissionne pour éviter l’humiliation : La fuite d’un président contesté

0 0
Read Time:4 Minute, 5 Second

En déposant sa démission quelques heures avant que la plénière ne statue sur les pétitions exigeant sa destitution, Vital Kamerhe a choisi de quitter la présidence de l’Assemblée nationale sans affronter le vote. Ce geste, présenté comme un acte de convenance personnelle, ressemble davantage à une fuite calculée qu’à une sortie républicaine. Car derrière le retrait se cache une réalité plus dérangeante : celle d’un pouvoir parlementaire affaibli, d’une gouvernance contestée, et d’un homme rattrapé par ses propres méthodes.

Les griefs portés contre Kamerhe ne relèvent pas de simples divergences politiques. Ils traduisent une accumulation de pratiques dénoncées par les députés : gestion opaque des ressources, blocage du contrôle parlementaire, suspension des soins médicaux aux élus, et mépris du règlement intérieur. Pendant des mois, l’Assemblée nationale a fonctionné sous tension, dans une atmosphère de méfiance et de centralisation excessive du pouvoir.

Kamerhe, qui se présentait comme le garant de la paix et de la stabilité, aura surtout incarné une forme de présidence verrouillée, où la concertation cédait trop souvent la place à l’autorité solitaire.
Contrairement aux interprétations hâtives, la pétition ayant conduit à la démission de Kamerhe ne provient pas de l’opposition. Elle est née au sein même de l’Union sacrée, portée notamment par des députés de l’UDPS, parti présidentiel. Avec plus de 260 signatures, cette initiative révèle une forme de cohésion interne inattendue, où les élus ont su dépasser les logiques partisanes pour exprimer une position commune sur la gouvernance parlementaire.

Loin de traduire une division, ce mouvement démontre que l’Union sacrée peut se mobiliser collectivement, y compris contre l’un de ses propres piliers, lorsque l’éthique institutionnelle est en jeu. Ce sursaut, rare dans les coalitions majoritaires, redonne à l’action parlementaire une légitimité que les crises internes avaient ternie.

Quelques heures avant sa démission, Vital Kamerhe a prononcé un discours solennel, convoquant son rôle dans l’alternance de 2018 et son engagement aux côtés du président Tshisekedi.
« J’ai consacré l’essentiel de ma vie à la recherche et à la consolidation de la paix… ».

« Nous avons été de ceux qui ont persisté, convaincus que seul notre combat est porteur d’espoir. »
Mais ce plaidoyer, empreint de lyrisme, semble en décalage avec les réalités institutionnelles. Ce ne sont pas les intentions qui sont jugées, mais les actes. Et dans ce domaine, le bilan de Kamerhe à la tête de l’Assemblée reste marqué par l’opacité, le blocage et l’absence de réforme.

Ce n’est pas la première fois que Vital Kamerhe quitte le perchoir dans la tourmente. En 2009, sous le régime de Joseph Kabila, il avait déjà été contraint à la démission pour avoir dénoncé l’entrée des troupes rwandaises sur le territoire congolais. À l’époque, il s’agissait d’un désaccord stratégique. Aujourd’hui, c’est une contestation interne, portée par ses propres alliés, qui précipite sa chute.

Seize ans plus tard, la boucle semble bouclée. Kamerhe quitte à nouveau l’Assemblée nationale, non pas en héros républicain, mais en figure affaiblie par les contradictions de son propre camp.
Autre signe de l’affaiblissement politique de Vital Kamerhe : l’incapacité de son parti, l’UNC, à mobiliser la population pour le soutenir. Malgré les appels à la retenue lancés par sa ligue des jeunes, aucune démonstration populaire significative n’a été observée. À l’inverse, Constant Mutamba, pourtant convoqué à la Cour de cassation dans une affaire sensible, a bénéficié d’une mobilisation massive orchestrée par la NOGEC, qui a su rassembler jeunes, mouvements citoyens et sympathisants dans les rues de Kinshasa.
Ce contraste est frappant. Il révèle non seulement la perte d’influence de Kamerhe sur le terrain, mais aussi l’émergence de figures politiques capables d’activer des dynamiques populaires plus puissantes. Aujourd’hui, Mutamba apparaît plus populaire que Kamerhe — non pas par les discours, mais par la capacité à fédérer.

En se retirant avant le vote, Kamerhe évite l’humiliation publique. Mais il prive aussi l’institution d’un moment de vérité démocratique. Ce geste, présenté comme noble, est surtout stratégique : il permet de préserver une posture, de contrôler le récit, et de préparer un éventuel retour. Ce n’est pas une reddition, c’est une esquive.

Et cette esquive interroge : que vaut une démocratie où les responsables échappent au jugement de leurs pairs ? Que vaut une institution où les équilibres sont dictés par les calculs personnels plutôt que par les principes républicains ?

Vital Kamerhe s’en va, mais les questions demeurent. Son retrait, loin d’apaiser, met en lumière les failles d’un système où les institutions peinent à s’imposer face aux logiques de clan. L’histoire se répète, mais elle ne progresse pas. Et c’est à la République, désormais, de prouver qu’elle peut tirer les leçons de ses propres cycles — non pas en glorifiant les figures, mais en renforçant les règles.

La Transparence

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %

Average Rating

5 Star
0%
4 Star
0%
3 Star
0%
2 Star
0%
1 Star
0%

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *