Le Congo est en procès. Pas celui de ses agresseurs, ni celui de ses complicités militaires. Non. Le pays s’est engagé dans une étrange procédure où l’on ne cherche plus à établir les responsabilités dans l’agression rwandaise de l’Est, mais à démontrer que Joseph Kabila n’est pas congolais. Le tribunal, censé être le lieu de la mémoire stratégique, s’est transformé en laboratoire généalogique. On ne juge plus les actes, on interroge les origines.
Ce glissement est plus qu’une distraction : c’est une mutilation du récit national. L’agression du Kivu, les morts, les déplacements, les pactes obscurs entre Kinshasa et Kigali — tout cela est relégué derrière une obsession identitaire. Le Congo ne cherche plus à comprendre comment son territoire a été violé, mais à savoir si le président déchu est né sur le bon sol. Une justice qui troque les preuves contre les patronymes, c’est une justice qui abdique.
Ce procès aurait pu être un moment de bascule. Une opportunité pour le Congo de se regarder en face, de nommer ses failles, de cartographier ses trahisons. Mais il s’est transformé en théâtre de l’état civil. Les avocats plaident sur des certificats de naissance, les témoins parlent de villages, de rumeurs, de photos floues. Pendant ce temps, les archives militaires dorment, les communications diplomatiques restent scellées, et les vrais commanditaires de l’agression rient en silence.
Ce n’est pas une erreur judiciaire. C’est une stratégie d’effacement. En réduisant le procès à une querelle identitaire, on évite les questions qui fâchent : Qui a ouvert les portes ? Qui a négocié avec l’ennemi ? Qui a profité du chaos ? Le Congo ne juge plus ses traîtres, il cherche leurs origines. Et pendant qu’il fouille les registres, les failles s’élargissent.
Faut-il vraiment qu’un pays de 100 millions d’âmes repose sur la Grâce d’un seul homme ? Est-ce cela, la résilience congolaise — une foi mystique en la figure présidentielle, comme si l’État n’avait ni colonne vertébrale ni mémoire stratégique ? On invoque FATSHI comme on invoquait Mobutu : non pas comme chef d’un système, mais comme miracle ambulant. Une figure providentielle censée contenir l’effondrement, incarner la stabilité, absorber les colères.
Mais cette verticalité n’est pas une force. C’est un symptôme. Une nation qui sacralise le pouvoir faute de pouvoir penser ses institutions est une nation en suspens. Le Congo ne s’appuie plus sur ses lois, mais sur des prières. Et pendant qu’on prie, les structures s’effondrent, les crises s’enracinent, et l’histoire se répète.
« Quand la justice congolaise troque les preuves contre les patronymes, c’est que la mémoire stratégique a été confisquée. Le pays ne juge plus ses traîtres, il cherche leurs origines. »
La Transparence


