Alors que la Banque Centrale du Congo affiche un taux de change stable à 2 697,23 CDF pour 1 USD, les réalités du terrain et des plateformes numériques comme MPSA révèlent une architecture monétaire éclatée. Entre écarts bancaires, marges opaques et spéculation silencieuse, le franc congolais semble naviguer entre maîtrise institutionnelle et désordre transactionnel.
Le taux indicatif du dollar américain, publié par la Banque Centrale du Congo, est passé de 2 734,41 CDF (23 septembre) à 2 697,23 CDF (25 septembre).
Variation sur 2 jours :
2 734,41 − 2 697,23 = 37,18 CDF de baisse, soit une appréciation de 1,36 % du franc congolais.
Ce raffermissement est attribué à une coordination renforcée entre la BCC et le gouvernement, notamment par l’ajustement des réserves obligatoires et une discipline budgétaire accrue. Le Comité de conjoncture économique, réuni sous la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, a salué cette dynamique comme un levier de confiance monétaire.
Sur la plateforme mobile MPSA, les utilisateurs découvrent chaque jour des taux d’échange contradictoires :
– Chez Mère Double, le dollar est vendu à 2 840 CDF et racheté à 2 740 CDF.
– Chez Equity Bank, le taux d’achat est de 2 660 CDF.
Analyse comparative :
– Acheter 100 USD chez Mère Double coûte 284 000 CDF.
– Vendre 100 USD chez Equity rapporte 266 000 CDF.
– Écart net : 284 000 − 266 000 = 18 000 CDF, soit une perte de 6,34 % pour un usager passant d’un point à l’autre.
Ces écarts, visibles en temps réel, révèlent une fragmentation monétaire préoccupante, où chaque acteur applique ses propres marges sans justification publique. Le taux officiel devient une référence théorique, déconnectée des pratiques transactionnelles.
*Calculs d’impact sur le pouvoir d’achat*
Prenons un commerçant qui achète 1 000 USD chez Mère Double :
– Coût : 1 000 × 2 840 = 2 840 000 CDF
S’il revend ces dollars au taux d’achat d’Equity Bank :
– Revenu : 1 000 × 2 660 = 2 660 000 CDF
Perte immédiate : 180 000 CDF, soit 6,34 % de décapitalisation.
Dans un contexte où le panier de la ménagère reste sous pression, cette volatilité devient un facteur d’appauvrissement silencieux, surtout pour les petits opérateurs économiques.
La Banque Centrale fixe un taux indicatif, mais son application reste théorique. Les plateformes numériques, les cambistes informels et les banques commerciales dictent leurs propres règles. Cette absence d’harmonisation alimente la confusion et fragilise la confiance des citoyens dans le système monétaire.
Les experts appellent à :
– Une normalisation des marges entre achat et vente.
– Une transparence sur les critères de fixation des taux.
– Une surveillance des plateformes comme MPSA, devenues des acteurs monétaires à part entière.
Le gouvernement mérite d’être félicité pour les signaux positifs envoyés à l’économie nationale. Mais cette réussite ne sera durable que si elle s’accompagne d’une régulation des pratiques bancaires, d’une réduction des asymétries d’information, et d’une vigilance accrue sur les outils numériques.
Car au-delà des chiffres, le taux de change est un symptôme de gouvernance : il révèle les tensions entre souveraineté monétaire, inclusion financière et justice économique. Et tant que le citoyen ne pourra accéder à un taux cohérent, transparent et équitable, la stabilisation restera une promesse suspendue.
Merveille Maleya


