Du 3 au 6 septembre, l’Afrique du Sud accueillera une conférence sur la paix et la sécurité en RDC, sous l’égide de la Fondation Thabo Mbeki. Officiellement, il s’agit d’un espace de dialogue inclusif. Officieusement, tout indique une tentative de recomposition politique, pilotée depuis l’extérieur, avec des alliances qui rappellent les heures troubles de Sun City 2002. Ironie de l’histoire : même Joseph Kabila, aujourd’hui convié, avait refusé en 2018 que Mbeki soit nommé envoyé spécial en RDC, le jugeant inapte à jouer ce rôle. Aujourd’hui, les deux hommes sont proches, tout comme Mbeki l’est de Paul Kagame. Ce rapprochement n’est pas sans conséquences.
La liste des invités est révélatrice : Joseph Kabila, Moïse Katumbi, Vital Kamerhe, Martin Fayulu, Corneille Nangaa, Patrick Lubaya, Seth Kikuni, Jean-Jacques Lumumba… mais aussi des membres du gouvernement Tshisekedi et des représentants religieux. Ce casting hétérogène ne traduit pas une volonté d’inclusivité, mais plutôt une stratégie de neutralisation des antagonismes au profit d’un front anti-Tshisekedi.
Le format rappelle les négociations de Sun City 2002, où la paix servait de prétexte à des arrangements politiques. Aujourd’hui, le décor est le même, les acteurs presque inchangés, mais le scénario semble inversé : affaiblir le pouvoir en place pour réhabiliter les anciens réseaux.
Thabo Mbeki, qui refuse de s’impliquer dans les crises internes sud-africaines, s’impose comme facilitateur en RDC. Pourtant, son positionnement est loin d’être neutre. En 2018, Joseph Kabila lui-même s’était opposé à sa nomination comme envoyé spécial de l’Union africaine, estimant qu’il n’avait ni la légitimité ni la neutralité requises pour intervenir dans les affaires congolaises. Ce rejet, passé sous silence, revient aujourd’hui comme un paradoxe : Mbeki anime un dialogue auquel participe celui-là même qui l’avait récusé.
Depuis, Mbeki s’est rapproché de Kabila et de Kagame, au point de reprendre à son compte certaines de leurs critiques contre Félix Tshisekedi. Il accuse ce dernier de « kasaïser » le pouvoir, et qualifie l’AFC-M23 — mouvement attribué à Nangaa, Bisimwa et soutenu par Kigali — de « mouvement le plus populaire du Congo ». Ce narratif épouse les thèses régionales, minimise les responsabilités du Rwanda et de l’Ouganda dans la déstabilisation de l’Est, et ignore les mécanismes de justice transitionnelle.
Derrière cette conférence se dessine une coalition Kabila-Katumbi-CENCO-ECC, avec pour objectif de fragiliser le régime Tshisekedi. Les anciens parrains de Sun City cherchent à reprendre la main, en contournant les institutions nationales et en réhabilitant des figures controversées. Le timing est révélateur : à quelques mois des échéances politiques majeures, cette initiative pourrait servir de tremplin à une nouvelle configuration du pouvoir, fondée sur des alliances opportunistes plutôt que sur une volonté de réforme.
Le projet « Sun City II » n’est pas un processus de paix. C’est une opération de repositionnement politique, où la paix devient un slogan creux, vidé de sa substance. Aucun mandat régional, aucune base institutionnelle, aucune transparence sur les objectifs réels. Ce dialogue parallèle menace la souveraineté congolaise et affaiblit les efforts internes de cohésion nationale.
Sun City II n’est pas une solution, c’est une diversion. Une tentative de réanimation d’un système politique épuisé, où les parrains d’hier cherchent à redevenir les arbitres d’aujourd’hui. Que Thabo Mbeki, jadis rejeté par Kabila, revienne aujourd’hui en chef d’orchestre d’un dialogue opaque, illustre à quel point la diplomatie parallèle peut court-circuiter les dynamiques légitimes. La RDC mérite mieux qu’un recyclage diplomatique : elle mérite un dialogue enraciné dans la justice, la mémoire et la souveraineté.
Merveille Maleya


