Le courrier de l’orient : Education en RDC quo vadis ? (Par Jacques Taty Mwakupemba)

Le courrier de l’orient : Education en RDC quo vadis ? (Par Jacques Taty Mwakupemba)

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Les différentes dispositions calquées pour la forme

Quelle éducation pour quel type de société ? (Rapport CNS, 1992). Dans sa lettre du 7 août 2024 concernant les dispositions pratiques à prendre pour la rentrée scolaire 2024-2025, la Ministre d’Etat, Ministre de l’Education Nationale et de la Nouvelle Citoyenneté de la République Démocratique du Congo, a raté une occasion de se démarquer de ces prédécesseurs. Elle s’est contentée de rester dans la forme pour nous répéter ce qui est devenu le refrain de chœur ministériel de ce portefeuille de l’Etat, qui a lieu avant chaque rentrée scolaire. Ce qui donne raison à Bernard Dadié quand il écrivait dans Climbié, « à chaque année, ce sont les mêmes scènes ».
En effet, les cinq dispositions émises dans sa correspondance notamment: liberté d’achat des fournitures scolaires, payement des frais en franc congolais, gratuité des inscriptions, pas de test d’admission de nouveaux élèves, prohibition de versement d’acompte, telles que présentées, font planer des doutes dans le chef de certains observateurs du secteur l’éducation car ces dispositions superficielles ne touchent en rien le fond de la question éducative mais plutôt se limitent juste à la forme pour embellir la vitrine. En scrutant lesdites dispositions, on se pose des questions si celles-ci peuvent apporter des solutions idoines au système éducatif grippé de notre pays.

Aller aux différentes questions de fond

Notre soif reste étanchée quant aux questions de fond. Qu’en est-il des conditions dans lesquelles les apprenants vont poursuivre les apprentissages ? Il suffit de faire le tour des quartiers périphériques de la capitale ou sillonner plusieurs écoles de l’arrière-pays pour voir dans quelles conditions étudient les élèves, les salles de classes manquent des bancs-pupitres, les enfants s’assoient à même le sol, les infrastructures scolaires laissent à désirer, certaines écoles n’ont pas des toilettes, etc. Dans de telles conditions, certains apprenants finissent leur cycle primaire, et même secondaire sans savoir ni lire ni écrire. Qu’en est-il des conditions de vie et de travail des enseignant-e-s dans le secteur ?

Les enseignants sont très mal payés avec des salaires de misère. Leur température psychologique est en dessous du normal. Comme un maillon de la chaine est défectueux, la chaîne de formation en pâtit et impacte directement sur la qualité des enseignements et des formés. Quant au volet de recyclage des enseignant-e-s., rien n’a été aperçu.

C’est toujours avec le même niveau que les professionnels de la craie vont reprendre l’école, aucune formation pour le renforcement de leurs capacités n’a été organisée durant les vacances, les bibliothèques des enseignant-e-s n’existent pas pour leur permettre de se ressourcer. Aucune disposition n’a été prise pour les enseignant-e-s en âge de la retraite qui seront obligés de reprendre le chemin de l’école.
En lieu et place d’aborder quelques questions de fond de l’heure, notamment : le financement de l’éducation, le financement innovant, les rémunérations, la réforme des programmes, le renforcement de capacités du personnel, Madame la Ministre d’Etat s’évertue comme ses prédécesseurs de revenir sur la vente des fournitures scolaires, la gratuité des inscriptions, le non-paiement des acomptes des frais scolaire et la non organisation des tests d’admission. Pour la nouvelle locataire, on doit inscrire les nouveaux apprenants sans toutefois les évaluer. Dans un pays où les gens se font fabriquer facilement les pièces scolaires (Bulletins, …) et /ou achètent facilement les diplômes, pour elle, les écoles n’ont pas le droit de jauger le niveau des nouveaux apprenants. Chaque élève devra s’inscrire dans la classe de son choix, il suffit qu’il présente quoi ?.

La Ministre d’Etat risque de se fragiliser elle-même

En prenant cette décision pour ne se limiter qu’à la forme, la Ministre d’Etat voudrait juste plaire à l’opinion publique et aux politiques qui l’ont propulsée à ce poste, cependant elle sait pertinemment bien que ces mesures ne seront pas du tout respectées dans les écoles publiques, surtout les grandes écoles catholiques. Et dans les écoles privées où l’Etat n’a presqu’aucun pouvoir, les promoteurs ne les respecteront jamais. Par exemple, on sait pertinemment bien que dans toutes les écoles sérieuses, d’ici comme dans le reste du pays, les inscriptions ne sont jamais gratuites et les nouveaux élèves ne peuvent pas être exemptés du test d’admission pour évaluation de leur niveau. Or, prendre des mesures non applicables fragilise l’autorité de l’Etat.

En outre, la question de la rémunération des enseignant-e-s risque de la noyer davantage. Au moment où nous mettons ces écrits en ligne, se poursuivent à Bibwa dans la périphérie de Kinshasa les travaux de la commission paritaire bancs gouvernemental et syndical des différents syndicats des enseignants. En dépit de points inscrits à l’ordre du jour, la question substantielle reste le salaire. Combien touche un-e enseignant-e ? il faudra peut-être ajouter la question de statut des enseignants. Les brides d’informations en notre possession laissent croire que les syndicalistes ne veulent pas entendre ce qu’on leur propose et campe sur la fourchette de cinq cents dollars (500 USD) comme salaire de base pour un enseignant. Cette position, semble rencontrer l’assentiment de tous les enseignants. Ainsi dit, si d’une part les grandes ou sérieuses écoles boycottent ces cinq dispositions, cela se fait déjà et d’autre part si les négociations n’aboutissent pas, la Ministre d’Etat risque de se fragiliser et passer pour la moins crédible devant l’ensemble de la communauté enseignante.

Il est temps de prendre le taureau par les cornes

Notre système éducatif est grippé et il faut une grande volonté politique de la part de l’Etat congolais, pouvoir organisateur afin d’apporter des solutions plus lumineuses. Aux grands maux les grands remèdes, dit-on ; il est grand temps que le paradigme change (Samuel Khun, 1970) et la situation actuelle de notre système exige la prise de décisions nécessaires courageuses. Il faut que la Ministre d’Etat pousse le gouvernement à financer suffisamment le secteur, de façon régulière et stable afin de garantir une éducation de qualité pour tous et toutes. Une bonne offre de l’éducation exige une gouvernance et une infrastructure stables et solides; il est difficile d’améliorer l’éducation dans les pays dont les services publics et les systèmes sont faibles.
Nous l’exhortons à jouer sa vraie partition afin de pousser le gouvernement à accroître considérablement ses investissements (Plan d’action IE 2022) dans le paiement de bons salaires, dans le changement de programmes ; dans le recrutement, la formation et la rétention des enseignant(e)s et du personnel de soutien à l’éducation, dans la technologie de l’information et de la communication, dans les infrastructures
Certes, Il n’existe pas de solution miracle: tous les pays ont leurs propres parcours et leur propre histoire, ils ont donc besoin de la marge de manœuvre et du soutien nécessaires à la réalisation de leurs choix et programmes politiques, le tout avec la participation pleine et entière des syndicats de l’éducation et des partenaires sociaux, et en dialoguant avec toutes les parties prenantes.

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