Kinshasa, 11 septembre 2025. À 00h24, l’aéroport international de N’djili bascule dans l’obscurité. La tour de contrôle devient muette. Le balisage s’éteint. Le protocole de secours ne s’active pas. Pendant ce temps, l’avion présidentiel, de retour d’Astana, tourne au-dessus de la capitale pendant quarante minutes, incapable d’atterrir. Ce n’est pas une simple panne. C’est une défaillance systémique, révélatrice d’un effondrement technique, hiérarchique et sécuritaire.
Une frontière nationale sans électricité : une aberration stratégique
L’aéroport de N’djili n’est pas un simple terminal. C’est une infrastructure de souveraineté, un point de contact vital entre la République et le monde. Qu’il puisse être privé d’électricité pendant plus de cinq heures, en pleine nuit, alors qu’un vol présidentiel est en approche, constitue une faille sécuritaire majeure.
La SNEL, fournisseur national d’électricité, est la première pièce du puzzle. Si la panne initiale provient du réseau, elle révèle :
– Une absence de priorité énergétique pour les infrastructures critiques.
– Une tension instable, qui fragilise les équipements de secours.
– Une coordination inexistante avec les opérateurs techniques comme la RVA.
La SNEL ne peut se dérober derrière la défaillance des inverseurs. Elle est co-responsable d’un environnement électrique précaire, incompatible avec les exigences de sécurité aérienne.
Ngoma Mbaki Léonard – DG de la RVA : une autorité technique sans maîtrise opérationnelle
À la tête de la Régie des Voies Aériennes, Ngoma Mbaki Léonard incarne une gouvernance technique qui, en théorie, devrait garantir la fiabilité des infrastructures aéroportuaires. Mais dans les faits, son action révèle une série de failles graves, qui ont contribué directement à la paralysie de N’djili.
1. Absence de planification sécuritaire anticipée
Le voyage présidentiel était annoncé. En tant que premier responsable de la RVA, Ngoma Mbaki avait l’obligation de mettre en place un dispositif renforcé pour garantir la continuité énergétique et la sécurité de la plateforme. Or, aucune mesure préventive n’a été prise. Aucun audit technique n’a été déclenché. Aucun test de redondance n’a été effectué. Le président est revenu dans un aéroport vulnérable, non sécurisé, exposé à une panne prévisible.
2. Manque de suivi des instructions internes
Le DG avait ordonné l’acquisition d’un inverseur auprès de la société Sitele, jugée plus qualifiée. Pourtant, le commandant de l’aéroport a acheté l’équipement chez Unicompex, entreprise moins expérimentée. Ce choix technique contesté n’a été découvert qu’après le scandale. Ce décalage révèle une absence de contrôle hiérarchique, un manque de traçabilité des décisions, et une déconnexion entre les directives et leur exécution.
3. Affectation d’un personnel incompétent dans une zone critique
Dans sa correspondance de suspension, Ngoma Mbaki reproche au commandant d’avoir laissé en poste un technicien incapable d’activer le protocole de secours. Mais cette critique se retourne contre lui : qui affecte ce personnel ? Qui valide les compétences ? Comment un DG peut-il déléguer la sécurité d’un site présidentiel à un agent non formé, sans supervision ni garantie de compétence ? Cette faille révèle une gestion des ressources humaines défaillante, où la sécurité est confiée à l’improvisation.
4. Réaction post-scandale, révélatrice d’une gouvernance réactive
La suspension du commandant et des agents techniques n’est intervenue qu’après l’incident. Aucun mécanisme d’alerte, aucun audit interne, aucun contrôle de routine n’a permis d’anticiper la panne. La gouvernance de Ngoma Mbaki est postérieure aux crises, jamais préventive. Elle fonctionne par sanction, non par anticipation.
> Arrêté et transféré au commissariat provincial, Ngoma Mbaki ne peut se réfugier derrière les fautes de ses subordonnés. Il est le chef d’orchestre d’un système qui a failli à tous les niveaux.
Lundula Lutshaka – Commandant de l’aéroport : désobéissance et gestion défaillante
Responsable de la plateforme opérationnelle, le commandant de l’aéroport a :
– Ignoré les instructions du DG sur le choix de l’équipement.
– Maintenu en poste un technicien incompétent, incapable d’activer le mode secours.
– Omission de toute procédure d’urgence, malgré la gravité de la situation.
Sa gestion révèle une rupture dans la chaîne de commandement, où les décisions techniques sont prises sans concertation, sans contrôle, et sans conscience des enjeux sécuritaires. Suspendu, il est accusé de désobéissance et de négligence grave.
Lecture institutionnelle : une souveraineté technique en ruine
Ce scandale révèle une fragmentation des responsabilités entre opérateurs publics, une absence de coordination interinstitutionnelle, et une incapacité à sécuriser les fonctions vitales de l’État.
L’aéroport, censé être un bastion de souveraineté, s’est comporté comme un poste secondaire. Le président, premier passager du pays, a été suspendu dans le ciel par l’incompétence cumulée de cinq entités.
Ce n’est pas une panne. C’est une démonstration d’incompétence partagée. Le président a tourné dans le ciel. Mais c’est l’État qui a perdu le contrôle.
La Rédaction


